MARGUERITE D'AUTRICHE

Fille de l'archiduc Maximilien et de Marie de Bourgogne, Marguerite d'Autriche est née le 14 janvier 1480 à Bruxelles. Promise comme épouse à Charles, fils de Louis XI, elle est bientôt répudiée par Charles VIII qui épouse alors Anne de Bretagne, tout en joignant la Bretagne au royaume de France.


Remariée "politiquement" à Don Juan, héritier de Castille, elle se retrouve veuve peu après, en 1497.
De nombreux prétendants aspirent à la conquérir, mais son père Maximilien leur préférera Philibert le Beau, héritier de la Savoie, région stratégique par excellence. Le mariage a lieu le 28 novembre 1501. A 21 ans, la jeune duchesse est enfin heureuse et partage bientôt son temps entre les châteaux de Bourg et Pont d'Ain.
Malheureusement, une pleurésie emporte prématurément Philibert en 1504. Marguerite restera seule pour administrer Savoie et Bresse. Elle doit également élever ses neveux, dont le futur Charles-Quint).
Elle meurt en 1530, victime d'une blessure au talon qui se gangrène.
On lui doit bien sûr la splendide Eglise de Brou, dont elle suivra la construction avec une scrupuleuse attention, qui abritera les restes de son époux, puis sa dépouille tranférée en 1532.


Il semble que Marguerite d'Autriche ait composé quelques pièces de poésie. Mais en l'état actuel de nos connaissances, il est difficile de dire si elles sont de sa main, ou des nombreux poètes dont elle s'entoura.


Complaincte que faict la fille unicq de Maximilien Empereur
Depuis son douloureux trépas.


S'il fust possible, o Roy Celestial,
Tes faicts reprendre sans peché ne sans mal,
Ma bouche est preste et mon veul s'y consent
Comme sa fille unicque et seul enffant;
Mais nul ne doibt murmurer contre toy
S'y n'a perdu l'espérance et la foy.
Dont Dieu me garde et me doint patience,
Telle ou samblable qu'eu des mon enfance.
O Atropos, nul ne se peult deffendre
De ton fier dart dont tu as mis en cedre
Les quattre princes qu'au monde j'aymoye mieulx.
Meurdry les as tertous devant mes yeulx:
Les deux premiers se furent mes marys:
Dont maintes gens eurent les coeurs marris:
Prince d'Espaingne, et le duc de Savoye,
Que plus bem homme au monde ne scavoie.
Encores plus pour grever mon oultrage,
Les prins tous deux en la fleur de leur eaige.
Car a dix et noeuf ans le prime trespassa
Et a malheur la mort son jeusne ceur persa.
Au beau ducq de Savoye bien luy feis de tes tours
Car a vingt et trois ans luy fiz finir ses jours;
Et le troisiesme apres, qui mon seul frere estoit,
Roy du pays d'Espaigne et de Naples a bon droict,
Las, tu l'as mis aussy en tel samblable arroy,
Car tu n'espargnes duc, prince, conte ne roy.
Pour le quatriesme, o mort trop oultrageuse,
Tu as estainct la fleur chevalereuse,
Et as vaincu celluy qui fust vaincqueur,
Maximilien, ce tresnoble empereur,
Qui en bonté a nul ne se compere:
C'estoit Cesar, mon seul seigneur et pere;
Mort, tu l'as mis en trop piteux estat,
Sepulturé au chasteau de Nieustat.
O Majesté sacree, imperialle,
Sy en moy se sent et creve mon las ceur
Sans tant souffrir de paine et de malheur,
Cae oncq a dame qui fust dessus la terre
Infortune ne firent tant la guerre
Que font a moy, triste et infortunée !
Trop fort m'est ma tresdure destinée.
O Createur de touttes creatures,
Veuillez garder les nobles genitures
Et moy dolant qui ceste plainte fais,
Car longuement ne puis porter les faix,
Sy ta bonté et clemence infinie
Ne me preserve la reste de ma vie;
Je t'en supplie du parfond de mon ceur.
Je prie aussy mon Dieu et Redempteur
L'ame logier au lieu celestial
De luy qui fust ca bas imperial
Ny qu'a jamais sa bonne renommée
Estaincte soit s'en riens annichillée,
Mais qu'apres mort par fame puisse vivre
Et ses enfans ses grands vertuz enssuyvre.



C'est pour james que regret me demeure
Que sans seser nuit et jour, a tout eure
Tant me tourmente que bien voudroie mourir,
Car ma vie n'est fors seullement languir
Et sy faudra qu'a la fin que j'an meure.

De l'infortune pansoie estre bien seure
Quand le regret maudit ou je demeure
Ma coury sus pour me fere mourir
Car ma vie n'est fors seullement languir
Et sy faudra qu'a la fin que j'an meure.
C'est pour james.

Me fauldra-il tousjours ainsi languir?
Me fauldra-il enfin ainsi morir?
Nul n'ara-t-il de mon mal cognoissance?
Trop a duré, car c'est dès mon enfance.






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