Complaincte que faict la fille unicq de Maximilien Empereur
Depuis son douloureux trépas.
S'il fust possible, o Roy Celestial, Tes faicts reprendre sans peché ne sans mal,
Ma bouche est preste et mon veul s'y consent Comme sa fille unicque et seul enffant;
Mais nul ne doibt murmurer contre toy S'y n'a perdu l'espérance et la foy.
Dont Dieu me garde et me doint patience, Telle ou samblable qu'eu des mon enfance.
O Atropos, nul ne se peult deffendre De ton fier dart dont tu as mis en cedre
Les quattre princes qu'au monde j'aymoye mieulx. Meurdry les as tertous devant mes yeulx:
Les deux premiers se furent mes marys: Dont maintes gens eurent les coeurs marris:
Prince d'Espaingne, et le duc de Savoye, Que plus bem homme au monde ne scavoie.
Encores plus pour grever mon oultrage, Les prins tous deux en la fleur de leur eaige.
Car a dix et noeuf ans le prime trespassa Et a malheur la mort son jeusne ceur persa.
Au beau ducq de Savoye bien luy feis de tes tours Car a vingt et trois ans luy fiz finir ses jours;
Et le troisiesme apres, qui mon seul frere estoit, Roy du pays d'Espaigne et de Naples a bon droict,
Las, tu l'as mis aussy en tel samblable arroy, Car tu n'espargnes duc, prince, conte ne roy.
Pour le quatriesme, o mort trop oultrageuse, Tu as estainct la fleur chevalereuse,
Et as vaincu celluy qui fust vaincqueur,
Maximilien, ce tresnoble empereur, Qui en bonté a nul ne se compere:
C'estoit Cesar, mon seul seigneur et pere; Mort, tu l'as mis en trop piteux estat,
Sepulturé au chasteau de Nieustat. O Majesté sacree, imperialle,
Sy en moy se sent et creve mon las ceur Sans tant souffrir de paine et de malheur,
Cae oncq a dame qui fust dessus la terre Infortune ne firent tant la guerre
Que font a moy, triste et infortunée ! Trop fort m'est ma tresdure destinée.
O Createur de touttes creatures, Veuillez garder les nobles genitures
Et moy dolant qui ceste plainte fais, Car longuement ne puis porter les faix,
Sy ta bonté et clemence infinie Ne me preserve la reste de ma vie;
Je t'en supplie du parfond de mon ceur. Je prie aussy mon Dieu et Redempteur
L'ame logier au lieu celestial De luy qui fust ca bas imperial
Ny qu'a jamais sa bonne renommée Estaincte soit s'en riens annichillée,
Mais qu'apres mort par fame puisse vivre Et ses enfans ses grands vertuz enssuyvre.
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