André Baveux laisse alors la parole à M. Frisepoulot, qui donne son point
de vue sur les fameux sabots, déjà évoqués : "Pour faire le point sur une possible rénovation des arts bressans face aux artisans,
les vieux comme les jeunes, je voudrais retrouver les anciens maîtres, et pour ce faire, remonter aux véritables sources. Pour
chaque métier d'art, il y a de bonnes leçons à tirer et des enseignements à retenir. Or, il y a présentement des possibilités...
et un certain nombre de débouchés pour l'avenir.
Prenons les sabotiers, l'un des plus vieux métiers bressans, puisque dans les anciens temps, notr epays était très humide, et
qu'il est resté "gouilleux", en raison de son sous-sol glaiseux qui retient l'eau. Nos ancêtres les plus lointains, "au diable
à quatre", chaussaient des sabots plus chauds et autrement imperméables que les souliers de cuirs actuels. D'autant plus qu'en
Bresse, nous avons tous les bois à sabots : la verne, le biou (bouleau) et le saule, qui fait les sabots si légers.
Pour les terrassiers, les puisatiers, les meuniers, on fabriquait les "bottes à sabot"... La botte de cuir était ajustée sur
le sabot, d'une manière aussi imperméable que possible. En réalité, ça ne tenait pas très longtemps, et ça ne valait pas nos
modernes bottes en plastique ou en caoutchouc.
Les sabots étaient portés tous les jours : les dimanches et jours de fêtes, aux réunions familiales, aux grands évènements,
aux visites, partout. Il y avait les sabots de foire, ou "sabots du lundi". Il en existait de nombreuses catégories...
Les "sabots crevis" (ouverts) étaient blancs ou teintés de noir, parfois également "brigolés", c'est-à-dire comportant des
dessins et une patine brillante, tel un vernis : le "tien de reloge", un genre de vernis à l'alcool, vendu chez le droguiste.
Les "sabots à coussin" étaient bien plus légers, plus élégants et portaient un coussin de cuir au cou-de-pied, coussin comportant
un dessin en son milieu. Naguère, ils présentaient des "brigolons" (fleurs, motifs), gravés à la demande par le sabotier. Et
puis existaient les "sabots à bride", pour les jeunes filles et les femmes. Légers, ils étaient, si l'on peut dire "à claire voix",
puisque la bride de cuir était étroite et ajustée sur le cou-de-pied... En bois léger, ils étaient vernis et décorés de fleurs et
de fruits, le tout en couleur, parfois même avec "des argents et des ors" ! Ces sabots n'étaient pas de tous les jours, ou même
du lundi. C'étaient des sabots fins, pour le bal et à l'huteau, pour aller à la noce ou à la première communion, pour "porter
ses bugnots"... et pour être marraine. Juste avant la guerre 14-18, ces divers sabots étaient encore bien portés... et l'on a
vu nombre de sabots à bride qui étaient de véritables oeuvres d'art.
Si l'on peut édifier un jour une Maison de la Bresse, il faudra installer une salle qui soit un Musée de l'art du sabot à travers
les âges... Par ailleurs, si les quelques derniers sabotiers bressans étaient quelque peu avisés, ils retrouveraient ces vieux
dessins, afin de vendre aux touristes, aux voyageurs, bref à de nombreux amateurs potentiels, ces superbes réalisations
d'antan..."
( extrait de "La Provenchère" )
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