FRANCISQUE BOUVET



Francisque Bouvet est né le 25 avril 1799 à Vieu d'Izenave. Il se montre très tôt attiré par la politique, après de vagues études de médecine. Il fut combattant volontaire pour la libération de la Grèce. Il participa à la Révolution de Juillet, et fut emprisonné quelques temps à la suite d'une violente attaque contre Luis-Philippe et son gouvernement. Il fonde ensuite "Le Réveil de l'Ain", dans la bonne ville de Nantua.
Elu député de l'Ain en 1848, il l'est de nouveau en 1849, avec Baudin. Malheureusement, le coup d'état du Deux Décembre le renvoie dans ses foyers. Il meurt à Lyon le 1er décembre 1871.

Des poèmes publiés dans les journaux locaux, il tire un ouvrage sous le titre : "Loisirs de Solitude", en 1828. Il sera réimprimé en 1841, et les bénéfices reversés au profit des inondés de l'Ain, la nature ayant eu quelques caprices en cette année-là.




Je reviens quelquefois sur ton joli rivage
O lac délicieux ! témoin de mon jeune âge ;
J'y reviens demander au calme de tes flots
Avec mes souvenirs la douceur du repos.

Salut à ces rochers dont les voûtes sublimes
Projettent sur ton front les ombres de leurs cimes,
Comme un léger tissu, voile mystérieux,
Appelant à la fois et le cœur et les yeux !

Combien j'aime à revoir le cristal de ton onde,
Balançant mollement leur image profonde,
Allier, dans un choix digne de ta splendeur,
A l'air doux et serein l'aspect de la grandeur !

C'est là que je venais, au beau temps de l'enfance,
D'un paisible bonheur goûter la jouissance,
Et, conduit au hasard, par l'instinct de mes sens,
Epier les secrets des oiseaus du printemps.

Là, des plus doux rayons du flambeau de la vie,
Je sentis naître en moi la tendre sympathie ;
Et, comme au feu du jour s'épanouit le fleur,
A l'ardeur du plaisir s'épanouit mon coeur.

Alors, comme aujourd'hui, l'aigle rasant la nue,
Dans l'espace infini tournoyant à ma vue,
Balançait, variait son vol en sens divers,
Ou, comme un traait, saoudain fondait du haut des airs.

... Il m'est doux de revoir la cascade plaintive
Jaillir de l'antre obscur qui la tenait captive,
Et venir, libre enfin, te verser ses trésors,
Et jouir avec moi du repos de tes bords.

Ainsi qu'elle, autrefois, dans mon ardeur bouillante,
J'accourais me plonger sous ta vague riante,
Ou, dans un lit d'azur me frayant un chemin,
En luttant mollment, sommeiller sur ton sein.

Les enfants me suivaient, et du haut du rivage,
Contemplaient en tremblant mon hardi badinage ;
Pour moi, quand une vague inondait mes cheveux,
C'était une caresse, un baiser amoureux...


(Le Lac, in "Loisirs de la solitude")



C'est Chillon qui paraît comme un fantôme sombre,
Se levant tout à coup sur la couche des monts,
Bonnivard, Bonnivard ! Ah ! si c'était ton ombre
      Assise sur ces bords,

Je ne serais pas seul à l'heure où les ténèbres
Appellent les humains à réunir leurs cœurs ;
J'aimerais à mêler à des plaintes funèbres
      Mes plaintives douleurs.

Comme toi j'ai brûlé d'amour pour ma patrie,
J'ai subi comme toi d'arbitraires fureurs :
Viens maudire avec moi l'affreuse tyrannie,
      Ses hideuses horreurs !


(Nuit sur le lac Léman)







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