Je reviens quelquefois sur ton joli rivage
O lac délicieux ! témoin de mon jeune âge ;
J'y reviens demander au calme de tes flots
Avec mes souvenirs la douceur du repos.
Salut à ces rochers dont les voûtes sublimes
Projettent sur ton front les ombres de leurs cimes,
Comme un léger tissu, voile mystérieux,
Appelant à la fois et le cœur et les yeux !
Combien j'aime à revoir le cristal de ton onde,
Balançant mollement leur image profonde,
Allier, dans un choix digne de ta splendeur,
A l'air doux et serein l'aspect de la grandeur !
C'est là que je venais, au beau temps de l'enfance,
D'un paisible bonheur goûter la jouissance,
Et, conduit au hasard, par l'instinct de mes sens,
Epier les secrets des oiseaus du printemps.
Là, des plus doux rayons du flambeau de la vie,
Je sentis naître en moi la tendre sympathie ;
Et, comme au feu du jour s'épanouit le fleur,
A l'ardeur du plaisir s'épanouit mon coeur.
Alors, comme aujourd'hui, l'aigle rasant la nue,
Dans l'espace infini tournoyant à ma vue,
Balançait, variait son vol en sens divers,
Ou, comme un traait, saoudain fondait du haut des airs.
... Il m'est doux de revoir la cascade plaintive
Jaillir de l'antre obscur qui la tenait captive,
Et venir, libre enfin, te verser ses trésors,
Et jouir avec moi du repos de tes bords.
Ainsi qu'elle, autrefois, dans mon ardeur bouillante,
J'accourais me plonger sous ta vague riante,
Ou, dans un lit d'azur me frayant un chemin,
En luttant mollment, sommeiller sur ton sein.
Les enfants me suivaient, et du haut du rivage,
Contemplaient en tremblant mon hardi badinage ;
Pour moi, quand une vague inondait mes cheveux,
C'était une caresse, un baiser amoureux...
(Le Lac, in "Loisirs de la solitude")
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