JOSEPH MICHAUD



Communication de M. Paul DUPRAZ , faite le 16 février 2000

"Joseph-François MICHAUD (1767-1839), publiciste, historien et voyageur en Savoie "

Dès sa fondation, en 1820, la Société Académique de Savoie avait élu en qualité de membre effectif résidant Joseph-François Michaud, rendu célèbre par son "Histoire des Croisades" et membre de l'Académie française depuis 1813. M.Dupraz évoque les années de jeunesse de J.F.Michaud dans la tempête révolutionnaire, puis sa carrière d'écrivain et d'historien. Il termine son exposé par une étude d'un petit ouvrage de jeunesse peu connu "Voyage au Mont-Blanc et en quelques lieux pittoresques de la Savoye en 1787".

Un jeune journaliste et écrivain dans la période révolutionnaire et post-révolutionnaire

Né le 19 juin 1767, à Mognard, dans l'Albanais, cet illustre Savoisien est mort à Passy le 30 septembre 1839. Fils d'un notaire d'Albens, J.F.Michaud suivit sa famille en Bresse, à Richemont. De solides études au collège de Bourg éveillèrent son goût pour les lettres et l'histoire. Après avoir fondé une imprimerie à Lyon avec son frère cadet Louis-Cabriel, il suivit à Paris la comtesse Fanny de Beauharnais, protectrice des lettres, et y déploya une intense activité de journaliste chrétien et de royaliste convaincu, bousculée par les événements de la période révolutionnaire. Devenu propriétaire du journal "La Quotidienne", il fut, écrit-il, onze fois emprisonné et deux fois condamné à mort. Il se réfugia dans l'Ain qui lui inspira son poème en trois chants "Le printemps d'un proscrit", remarqué par Chateaubriand. Traversant non sans peine les années napoléoniennes et celles de la Restauration, il se consacra bientôt à sa prestigieuse Histoire des Croisades, qui est le fruit d'une solide information vérifiée plus tard lors d'un voyage en Orient, et dont le premier volume parut en 1811. Pour Michaud, les Croisades ont trois mérites : elles ont longtemps suspendu les guerres de religion, contribué à maintenir la paix entre les princes, et préparé l'indépendance des communes en portant les premiers coups à la féodalité.

En 1815, il fut élu député de l'Ain. L'Académie Française l'avait accueilli en 1813.

Presque simultanément s'élevait, en collaboration avec son frère Louis-Gabriel, la "Biographie Universelle", véritable encyclopédie historique de près de soixante volumes, à laquelle participèrent près de trois cents célébrités.

Cette carrière brillante avait été précédée par un court écrit de jeunesse, le "Voyage au Mont-Blanc et dans quelques lieux pittoresques de la Savoye, en 1787".

Cette excursion était alors à la mode dans la société aisée qui découvrait le "toit de l'Europe" après Windham et Pococke, Bordier, Bourrit, et surtout Saussure avec son "Voyage au Mont-Blanc" de 1786. Dédiant son ouvrage à sa protectrice Fanny de Beauharnais, Michaud nous donne un récit en prose accompagné de vers octosyllabes qui résument et embellissent ses descriptions. Michaud se rend à Chamonix, où, après avoir apprécié "l'aménité patriarcale et hospitalière" des habitants, il entreprend l'ascension du Mont-Blanc depuis le Montenvers ; il n'ira pas jusqu'au sommet ,mais admirera l'immense panorama jusqu'à l'exaltation. Quittant Chamonix, il descend la vallée de l'Arve, passe à Annecy et arrive dans les Bauges, où les mystères et les légendes de la grotte de Bange le fascinent..
Il découvre une chartreuse, peut-être celle d'Aillon, et médite sur le sort des religieux. Puis il rejoint Aix, le lac du Bourget et Hautecombe, et achève son périple après une excursion à la Fontaine des Merveilles, non loin de l'Abbaye. Si dans cette oeuvre de jeunesse Joseph-François Michaud a suivi une mode de son temps, son "Voyage au Mont-Blanc et en Savoie" nous révèle déjà la passion de connaître et de comprendre la nature et les hommes

tiré de (http://academie.savoie.free.fr)


Ouvrages :

- Voyage littéraire au Mont-Blanc
- Origine poétique des mines d'or et d'argent
- Ermenonville, ou le tombeau de Jean-Jacques, poème
- La déclaration des droits de l'homme, poème
- L'immortalité de l'âme, poème
- Les adieux à Madame
- Petite dispute entre deux grands hommes
- Les adieux à Bonaparte
- Histoire de l'empire de Mysore, 2 vol.
- Le printemps d'un proscrit, poème, 2 vol.
- Biographie moderne ou dictionnaire des hommes qui se sont fait un nom en Europe, depuis 1789
- Le mariage d'Énée et de Lavinie, poème
- Stances sur la naissance du roi de Rome
- Histoire des quinze semaines ou le dernier règne de Bonaparte
- Histoire des croisades, 6 vol.
- Bibliothèque des croisades, 4 vol.
- Correspondance d'Orient, 7 vol.
- Notice sur Jeanne d'Arc






       (Voyage littéraire au Mont-Blanc)
épigramme


Je vous aimai, belle Lucile ;
Je voulois, pour calmer mes feux,
Prendre des glaces en ces lieux ;
Mais ce projet est inutile :
Je suis devenu votre époux
Et j'en trouverai près de vous



Mort de Franklin (1791)
(extrait)


Quand la faulx de la mort s'abattit sur sa tête,
Comme un roc insensible aux coups de la tempête,
Franklin vit sans effroi l'appareil du trépas ;
Le sage attend la mort, mais il ne la craint pas.
De ses amis en pleurs il calmait les alarmes :
"Mes amis, disoit-il, pourquoi verser des larmes ?
Franklin dans le tombeau porte un cœur vertueux…
J'ai bravé les tyrans et leurs complots affreux ;
Sans crainte, sans remords, j'abandonne la vie ;
Je puis dire à mon Dieu : J'ai servi ma patrie."
...
Au sein de la tempête il puise ce fluide
Qui sillonne les airs de sa clarté rapide,
Et, porté sur le char de l'aigle impérieux,
Son génie enchaîna la foudre dans les cieux.
Bienfaiteur des humains, il préserva la terre
Du sceptre des tyrans et des coups de tonnerre.
Pleurons tous sur la mort du plus grand des humains ;
Sur sa tombe sacrée invoquons les destins ;
Jurons par ses vertus, par sa cendre chérie,
D'aimer l'humanité, de servir la patrie ;
Qu'on dise : "De Franklin ils ont rempli les vœux ;
Le peuple le plus libre est le plus vertueux."



J'ai revu le cimetière
Du beau pays d'Ambérieux
Qui m'a fait le coeur joyeux
Pour la vie entière,
Et sous la mousse et le thym,
Près des arbres de la cure,
J'ai marqué la place obscure
Où, quelque matin,
Libre enfin de tout fardeau,
J'irai, tranquillement faire,
Entre mon père et ma mère,
Mon dernier dodo.

Pas d'épitaphe superbe,
Pas le moindre tra la la,
Seulement, par-ci, par-là,
Des roses dans l'herbe,
Et de la mousse à foison,
De la luzerne fleurie,
Avec un bout de prairie
A mon horizon!

L'église de ma jeunesse,
L'église au blanc badigeon,
Où jadis, petit clergeon,
J'ai servi la messe,
L'église est encore là, tout près,
Qui monte sa vieille garde
Et, sans se troubler, regarde
Les rangs de cyprès.

Entouré de tous mes proches,
Sur le bourg, comme autrefois,
J'entendrai courir la voix
Légère des cloches...
Elles ont vu mes vingt ans!
Et n'en sont pas plus moroses.
Elles me diront des choses
Pour passer le temps.



LE PRINTEMPS D'UN PROSCRIT

Hélas ! j'ouvris les yeux sous ce règne nouveau ;
A peine citoyen j'ai perdu ma patrie,
Et j'ai connu la mort sans connaître la vie.
Du meilleur de nos rois j'avais plaint les malheurs ;
Et devant mes bourreaux, accusé par mes pleurs,
En vain d'un dieu puissant j'implorai la justice ;
Je voyais devant moi s'apprêter mon supplice ;
Faible et chargé de fers, de moment en moment
Je voyais le trépas s'avancer lentement.
Tous ceux qui m'étaient chers, tous ceux dont la sagesse
Eclaira ma raison et guida ma jeunesse,
A mon âme attendrie étaient toujours présents,
Et j'étais entouré de mes amis absents.
Hélas ! près de toucher à mon heure dernière,
O soleil ! dans les cieux je cherchais ta lumière.
A tout ce que j'aimais, j'adressais mes adieux ;
Bors torturés de l'Ain ! vallons délicieux !
O bois, dont mon enfance avait cherché l'ombrage,
Vous mêliez à mon deuil votre riante image,
Et mes derniers regards, en ces affreux instants,
Se détournaient vers vous et cherchaient le printemps.
Mais, ô bonté du ciel ! l'amitié magnanime
Au fer inexorable arrache sa victime.
Je fuis, et du Jura les antres ignorés
M'offrent contre la mort leurs asiles sacrés.
Errant sur ces rochers, noirs séjours des orages,
Je retrouvai la paix dans leurs grottes sauvages,
La paix que ma patrie, hélas ! ne connaît plus.
Sur ces vastes sommets, l'un sur l'autre étendus,
L'homme au niveau des cieux élève son génie,
Et comme l'horizon, sent son âme agrandie ;
Placé plus près du ciel je devenais meilleur ;
La vengeance et la haine expiraient dans mon coeur ;
Et, portant mes pensers aux lieux où le carnage
Irritait les partis et redoublait leur rage,
Des vainqueurs, des vaincus je plaignais les fureurs ;
Et ce n'est pas sur moi que je versais des pleurs !


(extrait)




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