Un épisode de la Terreur Blanche
Carnot, ministre de l'intérieur pendant les Cent-Jours, l'ancien "organisateur de la victoire" ne pouvait échapper à la persécution.
Un mandat d'arrêt fut lancé contre lui, et il fuyait en traversant les montagnes du Bugey.
Le Docteur Modas, de Nantua, revenant de visiter un malade dans la commune de Brénod, aperçut un individu cherchant à se dissimuler
dans la forêt de Meyriat. Sachant qu'un grand nombre de proscrits et de condamnés contumax cherchaient à pénétrer en Suisse, le docteur
s'approcha de l'étranger et lui dit : "Soyez sans crainte, si vous avez à éviter une condamnation politique, vous pouvez vous fier
à moi".
Carnot, car c'était lui, déclina son nom et ses craintes. Le docteur lui tendit la main et l'assura de son dévouement.
"Venez chez moi, à Nantua, vous ne courrez aucun danger." Il l'emmena chez lui, le présenta à sa famille qui l'accueillit
avec empressement.
Le docteur Modas avait une fille à la veille de se marier avec un lieutenant de gendarmerie, à la résidence de Nantua.
Le lendemain, le ministre, poursuivi et condamné à mort, fut présenté au lieutenant comme un intime ami du docteur venu passer
quelques jours à Nantua, avant d'exécuter un voyage en Suisse. Le même soir, après le dîner, une partie de whist s'établit et
Carnot eut pour partenaire le lieutenant, qui avait sur lui l'ordre de l'arrêter.
Le docteur Modas dit à Carnot : "Cher ami, vous vous proposez de visiter la Suisse, attendez quelques jours et je pourrais peut-être
vus accompagner". Le lieutenant répliqua : "Je dois aller, après-demain, inspecter les brigades de gendarmerie de l'arrondissement
de Gex, et je me propose de passer par Genève, si votre ami veut profiter de ma voiture, je le conduirais avec le plus grand plaisir."
C'est ce qui eut lieu. Carnot fut sauvé par cet officier ignorant l'importance de celui qu'il arrachait ainsi au dernier supplice.
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