JEAN RENOUD



Né en 1870 - mort en 1938

- Claudine (1898)
- Après-midi au bord de l'Ain et du Suran (1896)




Que l'on m'attende ou non, ce n'est pas votre affaire !
Je ne suis, il est vrai, que la fille à Jean-Pierre ;
Mon père est métayer de vos biens, je le sais !
Bon serviteur ! mais vous bien servir, c'est assez !
Si quelque gars bressan se trouve sur ma route
Dont l'âme paysanne en moi tressaille toute,
Si ce paysan m'aime et vient timidement
M'offrir de partager sa vie humble en m'aimant,
Je saurai si je dois -la chose est entendue
Laisser tomber ma main dans cette main tendue.

("Claudine")



On enterra Divonne
Un jour triste. Ce fut vers la fin de l'automne.
Les chemins de nos champs n'avaient pas un rayon,
Nulle fleur ne prêtait sa corolle au sillon,
Et nul oiseau rêveur ne fit au cimetière
Monter vers le ciel gris, ainsi qu'une prière,
Son chant de paix, d'espoir infini, de pardon !
La croix est de bois noir ; un tertre de gazon
Marque l'étroit espace où Divonne endormie
Rêve de lui peut-être encore !

("Claudine")



Après-midi à Poncin au bord de l'Ain

Ce sont des flots d'argent dont le rythme sans fin,
Près des rives en fleurs, meurt avec des caresses,
Egrenant des baisers et dénouant des tresses,
Des baisers de corail et des tresses d'or fin!

Ce sont de vagues bruits, de célestes murmures,
Qui montent en fraîcheur sous le ciel enchanté
Et mêlent leurs soupirs aux parfums de l'été,
Aux frémissements doux que font les moissons mûres.

Pas un bruit ne descend des coteaux vaporeux !
Pas un souffle sur la nappe verte où les cieux
Le jour baignent leurs ors et la nuit leurs étoiles,

Et semblent dans la paix, rêveurs silencieux,
Attendre l'heure où la vierge viendra sans voiles
Mirer, dans le flot clair, son corps mystérieux.

(in "Au bord de l'Ain et du Suran", Bourg, J. Dubreuil, 1896)




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