JACQUES-HENRI ROSSAND



Jacques-Henri Rossand naît à Bourg en Bresse en 1795. Ses parents sont de modestes ouvriers. Son père, aux idées avancées, avait été commandant de la garde nationale quand Albitte , envoyé de la Convention, faisait régner la terreur dans l'AIn. Après des études au Colège de Bourg, Rossand occupe divers métiers : commissaire-priseur à Bourg, notaire à Nurieux, juge de paix à Lagneu, et dans d'autres villes. Il revint finalement à Bourg et y mourut le 20 mars 1869.

Homme d'une grande culture, à l'esprit critique aiguisé, il était apprécié de ses compatriotes. Mais prompt à l'ironie (voir ses pensées et apharismes), il avait aussi de nombreux ennemis.

- Fables (1823 + de nombreuses rééditions)
- Les quatre chants nationaux (1831)
- Les Coups de fouet (1839)
- Les Eglantines (1840)
- Musette (1842)
- La Relation de la chute épouvantable de Françoise Duchet (1846)
- Epitre sur le bonheur de la vie champêtre (1850)
- Epître à Edgar Quinet (1850)







Quelques Pensées et aphorismes

Les misères de Job

De Job, voulant éprouver l'âme,
Le Diable lui ravit ses serviteurs, ses fils,
Sa santé, ses trésors, ses honneurs, ses amis,
Et, pour comble de maux, il lui laissa sa femme.

Sur Marc

Sur Marc on a beau clabauder ;
Ce partisan du monopole
Semble n'avoir reçu deux mains et la parole
Que pour prendre et pour demander.

A Monrose

Si l'on ne connaît bien la valeur d'une chose
Que lorsqu'on en est dépourvu,
Personne ne sait mieux que le faquin Monrose
Apprécier l'esprit et la vertu.

Sur un plaideur avare

Thémis est un peu sourde . Aux plaideurs je conseille
D'ouvrir d'abord les mains pour qu'elle ouvre l'oreille.

Les Deux Esprits

A… parle de tout et dit maintes sottises ;
C'est la Bêtise de l'esprit.
Et B… dit parfois un bon mot dont on rit ;
C'est l'Esprit de la bêtise.

Sur la crédulité

On ne doit jamais croire un homme trop crédule.
En celui qui croit tout, ma confiance est nulle.

Le Dandy

D'être si gros Mondor a du dépit
Aussi voyez comme il se pince !
Mais il a beau serrer sa taille et son habit,
Il ne sera jamais mince
Que du côté de l'esprit.

L'Amour

Servage, liberté, paix, combats et soupirs,
Espoir et crainte tout ensemble,
De longs chagrins, de courts plaisirs ,
Voilà l'amour… Que vous en semble ?

Le Juge et le Poisson

Le vieux juge Perrin-Dandin
Ne dédaigne pas les épices.
Un plaideur fut, l'autre matin,
Lui porter un sac d'écrevisses.
Les juges sont comme un poisson,
Me dit à ce propos Léandre,
Quand ils mordent à l'hameçon
On est assuré de les prendre.

Les Epoux assortis

Le sot et laid Colas, sa femme sotte et laide,
Ne font qu'un entre eux, dit-on ;
Ainsi ce couple, avec raison,
Peut s'appeler un quadrupède.

Sur une brochure

Dans ce livre où B… retrace nos misères,
Je ne vois que trois grands malheurs :
Le malheur de l'auteur, le malheur des libraires,
Et celui des pauvres lecteurs.

La politique moderne

Diviser pour régner était la politique
D'un roi qui du pouvoir sut jadis bien user :
Mais à présent l'on change de tactique ;
L'on veut régner pour diviser.

L'Egoïste

Paul, qui de son vivant ne donna jamais rien,
Vient encore en mourant de se léguer ses biens.

Sur Baldus

Le sceptique Baldus lit sans cesse la Bible
Dont il aime à citer des traits ;
Mais sa mémoire est comme un crible
Qui mêle tout et retient le mauvais.

Les deux buveurs

Hier Gilles et Colin, ces deux bons camarades,
Buvant à coups précipités
Ont tant porté leurs santés
Qu'ils en sont aujourd'hui malades.

A un mari voyageur

Cher ami, tu te plains à tort
Des désagrémens du mariage.
Lorsqu'un pilote craint l'orage,
Il ne s'éloigne pas du port.

A un avocat, homme de lettres

Tes écrits vont chez l'épicier
Et tes cliens à la potence
A ta place, si triste chance
Me dégoûterait du métier.

La jalousie et la goutte

La jalousie et la goutte
Font le tourment de Janson ;
Quand l'une le met en route,
L'autre l'attache au seuil de sa maison.

A Iris

Quand dans ta glace fidèle
A tes appas tu souris
Pense quelquefois, Iris,
Qu'ils sont fragiles comme elle.



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